Retour sur : Regards croisés sur l’intégration du genre dans les évaluations

Comment faire avancer la prise en compte du genre dans les évaluations ? Tel était l’enjeu abordé lors de cette rencontre le 6 novembre 2018. Retour sur les points clefs d’un temps riche en échanges.

 

 

Organisée dans le cadre du programme « Pour une transversalisation du genre dans les organisations et les projets » porté par le F3E et Coordination Sud, la rencontre a réuni le 6 novembre 2018 une quarantaine de personnes (notamment des consultant-e-s et des membres du F3E). Elles se sont interrogées sur la façon dont les parties prenantes de l’évaluation s’approprient la question du genre.

Animée par Catherine Dixon, membre du comité des études du F3E, cette matinée d’échanges s’est articulée autour de 3 témoignages.

Gwendoline Lions, co-animatrice du groupe de travail sur l’égalité femmes à la société française d’évaluation (SFE) a tenté de répondre à la question : Pourquoi intégrer le genre aux évaluations ? La SFE a travaillé sur un argumentaire pour les professionnel-le-s de l’évaluation rappelant par exemple que les politiques publiques ne sont pas neutres et sont souvent porteuses d’inégalités ; que penser genre renforce la qualité des évaluations en s’intéressant aux publics dans leur diversité ; que cela permet de développer une approche intégrée de l’égalité femmes-hommes à toutes les étapes de l’action publique. Elle est également revenue sur l’enjeu de renforcer la place des femmes (empowerment) dans la conception et l’évaluation des politiques publiques.

 

Emilie Vallat, directrice d’ECPAT France a ensuite témoigné d’une expérience d’évaluation source d’apprentissage en termes de genre. Lors de l’évaluation finale d’un projet de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, le manque de perspective de genre a été souligné, du fait d’une approche « juridique » de la protection de l’enfance qui « neutralise » les enjeux différenciés pour garçons et filles. Cela a permis à l’équipe d’ECPAT de s’interroger sur ses pratiques, ce qui l’a amenée à réviser certains aspects de son intervention. Si cette prise de conscience a été multifactorielle, l’évaluation externe y a beaucoup contribué. Ainsi, les partenariats ont été revus (des structures malgaches sensibles au genre ont été approchées), un travail ciblant les hommes sur les stéréotypes de genre a été développé, l’autonomisation et les droits des femmes ont été davantage intégrés.

 

Elisabeth Hofmann, évaluatrice, enseignante-chercheure et membre de Genre en Action s’est interrogée sur comment une évaluation peut permettre d’évoluer sur la prise en compte du genre. L’évaluation externe peut être un levier de prise de conscience sur le genre. Cependant, c’est un exercice sur mesure qui demande, au-delà d’éléments chiffrés sexo-spécifiques, souvent réducteurs, beaucoup de pédagogie et de dosage pour amener les commanditaires à être dans une posture ouverte et réflexive sur le sujet. Une des pistes est de rattacher le genre aux valeurs qui dirigent l’action évaluée. L’approche intersectionnelle est aussi importante à explorer : les femmes et les hommes ne sont pas des groupes homogènes, des rapports de domination existant aussi à l’intérieur de ces groupes (âge, de classe sociale, etc.). Différentes méthodes peuvent être mobilisées dans l’exercice évaluatif : jongler entre mixité et non-mixité, individuel et collectif, identifier des allié-e-s, renforcer les forces vives de l’équipe sur le sujet, ou encore faire la distinction entre besoins pratiques et intérêts stratégiques.

 

Les échanges avec la salle ont permis d’aborder de nombreux sujets. Par exemple l’importance de la prise en compte du facteur humain dans les projets que ce soit pour celles et ceux qui bénéficient de ces projets, mais aussi celles et ceux qui les conçoivent et les mettent en œuvre. Une autre idée clé mise en avant est l’importance d’aller au-delà des discours parfois normés sur les droits des femmes. Tenter de récupérer l’histoire et les discours des femmes concernées dans les évaluations et s’appuyer dessus, est un levier plus fort de transformation en termes de genre.